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Rétablissement des moyens de subsistance des ménages vulnérables du fait de la crise en RCA

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Brief

Les nombreuses crises persistantes qu’a connue la République centrafricaine (RCA) ont causé un retard important à l’ensemble du pays et sa population, l’entrainant dans un niveau de pauvreté extrême en le  positionnant ainsi parmi les 10 pays les plus pauvres selon un classement datant de 2017[1]. C’est dans cet environnement que l’ONG Internationale Afrique Secours et Assistance (ASA), qui intervient en Centrafrique depuis 2014, a intégré dans son champ d’action, le renforcement des moyens de subsistance au profit des personnes les plus vulnérables. La prise en compte de ce volet vise à contribuer à la réduction de l’extrême pauvreté et de la faim qui s’inscrit parfaitement dans le cadre des objectifs du millénaire.

Les moyens de subsistances correspondent à toutes sortes d’activités qui permettent aux populations de subvenir à leur besoins élémentaires. Toute action humanitaire qui a pour objectif de les protéger et les renforcer, cadre avec les solutions durables à travers l’autosuffisance sur le long terme qui est visée au profit des bénéficiaires.

De 2014 à 2019, ASA dans le cadre de ses projets sous le financement du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR), a octroyé des appuis financiers pour des AGR à hauteur de 72.600.000 FCFA soit environ $128 000, au bénéfice de 1.308 ménages de personnes réfugiées ; rapatriées/retournées ; déplacées interne (PDI) et de membres de la communauté hôte.

Contexte

Depuis les élections apaisées de 2016, la Centrafrique connait une relative accalmie sécuritaire dans certaines zones du territoire. Des efforts importants ont été faits dans le but de pacifier le pays tout entier, notamment les accords de Khartoum de février 2019. Et ces évènements symboliques ont favorisé le retour progressif des populations réfugiées et déplacées interne dans leurs zones d’origine. Depuis 2017, le HCR organise des opérations de rapatriement des réfugiés centrafricain vers leur pays par voie terrestre et aérienne. Jusqu’au 24 octobre 2019, ce sont 9.686 réfugiés qui ont pu bénéficier du rapatriement volontaire mis en œuvre par le HCR et ses partenaires en RCA. Malgré cette amélioration partielle du tableau sécuritaire, le pays reste toujours en zone critique sur le plan économique, maintenant la population dans un contexte de crise humanitaire. Plus de la moitié de la population est dans le besoin d’assistance humanitaire, dont 1,7 million de personnes qui se trouvent dans une situation critique selon le HRP 2020. La perte des moyens de subsistance des ménages qu’a engendré le conflit a créé une vulnérabilité sans précédent chez les populations. Les chefs de ménages n’arrivent plus à prendre convenablement soin des membres de leurs familles, ce qui les conduit à développer des stratégies d’adaptation négatives, nocives et à risque pour leurs familles. Le contexte entraine un difficile accès aux moyens de subsistance restant encore disponibles et aux opportunités d’emploi chez les populations, tant rapatriées/retournées ; PDI, réfugiées et même hôte. Les populations ont malheureusement fini par s’attacher à une dépendance humanitaire pour laquelle les ressources s’amenuisent au fil des années.

Le rétablissement et la protection des moyens de subsistance pour les populations vivant sur le territoire centrafricain, contribueraient fortement à sortir le pays de cette dépendance à l’assistance humanitaire qui n’est que très peu suffisante. ASA s’est donc inscrit depuis 2014 au rang des acteurs humanitaires qui priorisent les solutions durables à travers l’autosuffisance sur le long terme, et le renforcement des capacités de résilience des populations. Dans cette optique, l’organisation contribue pour sa part à l’atteinte de l’un des objectifs du millénaire, qui vise à éliminer l’extrême pauvreté et la faim.

Approche

Afin d’atteindre ses objectifs, ASA a priorisé le financement d’activités génératrices de revenus, associées à un accompagnement technique fourni aux populations les plus vulnérables. Dans cette optique, les recherches de financement tiennent systématiquement compte des besoins en moyen de subsistance. Dans la démarche d’implémentation, ASA met un point d’honneur sur le respect de la diversité et le renforcement continuel des capacités de ses bénéficiaires. En ce sens, les AGR en groupement sont priorisés en raison de leur impact positif sur la cohésion sociale, et de l’avantage qu’ils représentent dans la création d’un système de chaine de valeur au sein de la communauté.

La stratégie généralement utilisée est la suivante :

  1. L’évaluation des opportunités économiques et la présélection des activités viables selon les zones
  2. La sélection des bénéficiaires (Conditions d’admissibilité, Grille des appuis critères)
  3. La formation des bénéficiaires
  4. L’octroi des financements
  5. La Mise en place/Renforcement des mécanismes de suivi-évaluation
  6. Le Monitoring de l’installation et du démarrage de l’activité
  7. Le Monitoring après le démarrage de l’activité
  8. L’élaboration d’un calendrier des échéances.

Le processus est lancé par une évaluation des opportunités économiques qui est menée dans les localités cibles, afin d’identifier les activités rentables selon le contexte économique et social. Les AGR à mettre en œuvre sont bénéfiques aux ménages qui remplissent les conditions d’admissibilité préalablement établies. Les chefs de ménage ou représentants valides des ménages retenus après sélection sur la base des critères, sont mis en groupements ; formés ; appuyés sur les plans techniques et financiers pour la mise en œuvre des activités, et font objet de suivi.

Les bénéficiaires sont formés sur les 02 modules suivants :

  • L’éducation financière et la gestion des AGR en groupement
  • Un module sur la spécificité de l’activité à entreprendre (Elevage, agriculture, commerce etc…)

L’équipe technique ASA les accompagne dans la production des comptes d’exploitation de leurs projets afin de baliser la mise en œuvre et maximiser les chances de réussite.

De 2016 à 2019, 68% des AGR financées par ASA concernent le secteur primaire. Ce choix est fait en guise d’accompagnement des populations à la priorisation d’une production locale des matières premières, qui à long terme sortira le pays de sa situation d’extrême pauvreté. Cette approche est dans l’immédiat une réponse à l’insécurité alimentaire qui pèse sur le pays avec près de 1,9 million de personnes touchées, et 4 enfants sur 10 souffrant de malnutrition chronique selon la FAO[2]. 25% des financements touchent le secteur secondaire pour la mise en œuvre d’activités de fabrique et de transformation, et seulement 7% des financements octroyés relève des services. Cela s’explique par le fait que 76% des activités financées sont menées dans les zones provinciales et rurales, où les activités agricoles et l’élevage qui relèvent du secteur primaire et quelques activités artisanales du secteur secondaire sont les plus avantageuses à court, moyen et long terme.

Populations bénéficiaires

De 2016 à 2019, ce sont 1.308 ménages en situation de vulnérabilité qui ont bénéficié et continuent de bénéficier pour certains, de l’appui de ASA sous financement UNHCR, pour l’amélioration de leurs conditions de vie par la création et le renforcement de leurs moyens de subsistance. La répartition par chef de ménage en termes de proportion par genre donne 60% de bénéficiaires masculins, et 40% de bénéficiaires féminins. Notons que les réalités culturelles justifient la forte proportion du genre masculin en raison du secteur d’activité majoritaire (secteur primaire) qui est beaucoup plus pratiqué par les hommes que les femmes.

Ces AGR sont bénéfiques à 4 types de population sur le territoire centrafricain que sont les réfugiés, les les rapatriés/retournées, les PDI et la population hôte.

  • 24% Population réfugiée
  • 26% Population rapatriée/retournée
  • 11% Population déplacée interne
  • 39% Population hôte

Cette répartition inclusive tient compte de la nécessité de faciliter la réintégration locale principalement pour les personnes rapatriées/retournées. Le facteur d’intégration est valable pour les réfugiés et les PDI qui ont décidé d’amorcer une nouvelle vie dans des zones étrangères. En ce sens, le partage des expériences avec la communauté hôte est un atout pour le vivre ensemble et la cohésion sociale.

Ressources

De 2016 à 2019, ASA dans le cadre de ses projets sous le financement du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR), a octroyé des appuis financiers pour des AGR à hauteur de 72.600.000 FCFA soit environ $128 000, au bénéfice de 1.308 ménages de personnes réfugiées ; rapatriées/retournées ; déplacées internes (PDI) et de membres de la communauté hôte.

Le ratio par ménage bénéficiaire donne un montant de 55.505 FCFA, soit une moyenne d’environ $ 99 par ménage en guise d’appui pour le développement d’AGR. Ce montant reste limite au regard du niveau actuel de pauvreté et des besoins existants. Il n’en demeure pas moins que, cela représente un premier pas significatif qui impacte à juste titre les bénéficiaires, et favorise leur reprise en main. Les chefs de ménage arrivent à couvrir les besoins essentiels grâce aux retombés financiers de leurs activités.

Les ménages réfugiés urbains de la ville de Bangui, et prioritairement ceux ayant opté pour l’intégration locale ont été encouragés dans leur processus d’autonomisation par un appui à hauteur de 30.000.000 FCFA octroyé sur la période allant de janvier 2016 à décembre 2018. Les populations rapatriées et retournées des préfectures de la Lobaye, l’Ombella M’Poko, la Nana-Mambéré et la Mambéré Kadéï ont quant à elles bénéficié d’un accompagnement à hauteur de 17.395.000 FCFA en vue de leur réintégration communautaire.

Impact

Le suivi et évaluation post-financement qui est effectué sur une durée d’au moins 6 mois, permet de mesurer l’impact à court et moyen terme des AGR sur les ménages bénéficiaires.

Ainsi, sur la base des 1.308 ménages appuyés en groupements à intérêts économiques, 78% des AGR sont restées fonctionnelles après les 6 premiers mois de mise en œuvre. 21% d’entre elles notamment les AGR des secteurs secondaire et tertiaire ont fait montre de progression notable après 6 mois en enregistrant des chiffres d’affaires importants, grâce aux rendements qui sont beaucoup plus immédiats comparés aux activités du secteur primaire qui deviennent rentable à partir de 3 mois pour certaines, et voir plus de 12 mois pour d’autres. Les bénéficiaires qui sont des ménages vulnérables en sortent à 100% gagnant, dans la mesure où ils retrouvent certainement leur dignité en travaillant.

Sur les 1.308 chefs de ménages vulnérables appuyés en termes de formation en AGR ; de financement ; d’accompagnement technique et de suivi, 1.021 d’entre eux arrivent parfaitement à subvenir aux besoins essentiels de leurs familles grâce à l’appui de ASA sous financement UNHCR depuis 2016.

Le récit de Juliette YADOUPOU vient en illustration. Elle est une bénéficiaire d’AGR en coopérative financée en 2019 dans la localité de SCAD, sous-préfecture de M’Baïki pour la culture du maïs. Il s’agit d’une femme seule chef de ménage retournée avec 5 enfants à charge.

Je suis célibataire, mère de 05 enfants à charge. Je remercie l’UNHCR et ASA pour la mise en place de cette coopérative dans la localité de SCAD. Grace à l’argent de la vente de maïs que la coopérative nous a distribué après notre récolte, j’ai réussi à lancer ma propre AGR de vente de bouillie sur le marché de SCAD. Le bénéfice gagné permet aujourd’hui à ma famille de prendre le petit déjeuner chaque matin, et d’avoir un repas consistant deux fois par jour. En cas de fièvre et autres maladies, je paye les médicaments aux enfants, je leur paye aussi les redevances scolaires. Ce qui m’a beaucoup plu, c’est d’avoir trouvé une occupation tous les jours, du coup je me sens responsable fière et digne dans ma communauté.

Comme Juliette YADOUPOU, ce sont 1.020 autres chefs de ménages vulnérables qui ont vu leur vie connaitre une amélioration notable, grâce au rétablissement et à la protection de leurs moyens de subsistance. Ils sont beaucoup plus résilients et ne dépendent donc plus totalement de l’assistance humanitaire pour prendre soin de leurs familles. Il s’agit donc de résultats significatifs dans la lutte contre l’extrême pauvreté et la faim en Centrafrique.

En définitive, en plus de renforcer la dignité des bénéficiaires, ces AGR apportent un changement significatif dans leur vie, leur permettant de jouer un rôle important dans le tissu économique en RCA.

Au regard du processus de restauration de l’autorité de l’Etat qui est encore en cours vue la présence de plusieurs groupes armés sur le territoire, mettant ainsi les autorités Centrafricaines dans l’incapacité d’assurer pleinement la couverture des besoins essentiels de la population, il parait important que des interventions dans le sens de l’autonomisation des populations soient boostées par les partenaires financiers humanitaires en RCA.

 

Mission de RCA - Alain KOUADIO, Chef de Mission/ai, kouadioa@asa-ci.org

Siège, Abidjan, Côte d’IvoireMme Alice KOIHO, Coordinatrice Générale, koihoak@asa-ci.org

[1] Source du classement des 10 pays les plus pauvres en 2017: https://www.afrikmag.com/classement-10-pays-plus-pauvres-monde-2017/

[2] Source : http://www.fao.org/emergencies/crisis/rca/intro/fr/